L’histoire économique a joué un rôle majeur dans la genèse et l’évolution de l’histoire atlantique. L’étude des flux de navires, de biens, de capitaux de part et d’autre de l’Atlantique a largement contribué à la construction de ce champ, héritier de l’histoire des annales. En outre, les innombrables travaux sur la traite négrière n’ont pas été étrangers à la transformation de l’histoire atlantique depuis les années 1970 : ils ont permis la prise en compte des Caraïbes et de l’Afrique, puis progressivement de l’esclave, non seulement comme marchandise, mais aussi comme acteur à part entière. Enfin depuis les années 1990, l’accent a été mis sur l’étude des échanges transcoloniaux ou transimpériaux, et particulièrement sur la contrebande, pour insister sur la porosité des frontières et mettre en cause la pertinence du cadre impérial (français, anglais etc).
Mais l’émergence de ce champ et ses transformations ont été accompagnées de mises en garde, et parfois d’un certain scepticisme. Les critiques ont d’abord porté sur l’échelle atlantique : jugée tantôt trop vaste, tantôt trop étroite, voire les deux à la fois, elle ne correspondrait pas aux réalités des échanges au XVIIIe siècle. Ni la Méditerranée, ni la mer Baltique, ni l’Océan indien n’étaient déconnectés des flux et des trafics mondiaux. Par ailleurs, des circuits subatlantiques pourraient être plus déterminants dans l’économie locale de ports dits « atlantiques », toujours dépendants de leur hinterland. Il n’y aurait pas de sentiment d’appartenance à un monde atlantique, flou, sans limite claire, et, partant, encore moins de « communauté atlantique ». De plus, en mettant l’accent sur les échanges, on minimise l’importance des cadres étatiques, des institutions ou encore des lois, au risque de porter un regard anachronique sur un « marché atlantique » en réalité morcelé.
L’objectif de cette journée d’études est de prendre en compte les critiques qui ont été formulées pour s’interroger sur la pertinence du cadre atlantique. Il s’agira de réfléchir à son usage sans a priori, et de le confronter à d’autres cadres de réflexion : impériaux, transimpériaux, transcoloniaux, nationaux, mondiaux, etc. Nous espérons ainsi aboutir à un tableau plus nuancé d’une histoire économique, dont on pourra se demander si elle est en définitive atlantique.